mardi 23 octobre 2012

Le masque

Quand on me regarde, on a l'image d'une femme solide. Une femme calme et en contrôle. Au-dessus, un peu, aussi. Occupée, entourée, équilibrée. C'est l'image que je veux projeter. J'ai choisi ça. Chaque matin, je remets mon masque. Il y a des soirs où j'oublie même de l'enlever. C'est devenu une deuxième peau. Parfois il tombe tout seul. La vulnérabilité que ça provoque est tellement grande, tellement souffrante, comme une brûlure aux 3ème degré à découvert. Je me dépêche de tout remettre, je prends une grande respiration, je relève le menton et je souris.

J'étais toute petite quand j'ai commencé à porter ce masque. Quand j'ai compris que j'étais différente, que je grandissais dans un milieu différent. Aujourd'hui, je peux dire disfonctionnel. À 6 ans, je disais différent. Ça revient au même, c'est aussi fucké un que l'autre.

Mon masque, c'est ma combinaison de super héros. Invincible et indestructible, j'ai sauvé le monde. J'ai sauvé mon monde. L'alcoolisme de mon grand-père, l'anxiété de ma grand-mère, la double vie de mon père, les dépressions de ma mère. Ils avaient besoin de moi. Ils avaient besoin que je sois leur super héros. Ils n'avaient pas besoin de voir que sous mon costume, j'étais juste une petite fille trop sensible.

C'est encore cette petite fille trop sensible qui se cache derrière mon masque. Je n'ai jamais grandi. J'ai agrandi mon costume. Je sauve encore le monde. D'autre monde. Mes proches sont sauvés. Je sauve le monde pour gagner ma vie. 

Chaque matin, je remets mon masque. Chaque matin, quand je me regarde dans le miroir, je vois une femme solide, calme, en contrôle, au-dessus de ses affaires, occupée, entourée et équilibrée.

Chaque soir, je suis une petite fille qui pleure.

Il est temps de grandir.

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